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Etablir une Économie durable
PRINCIPALES CONSIDERATIONS [1]
ANALYSE
-
1. La terre est la seule planète sur laquelle les hommes puissent
exister. Notre espèce ne survivrait pas sans les ressources naturelles
et les services offerts par l’environnement [2].
2. Du fait de l’explosion démographique depuis le milieu du siècle dernier et de la multiplication rapide des activités commerciales depuis la révolution industrielle, la consommation de “nature” a plus que doublé.
3. Tous les jours, les équilibres dynamiques de l’écosphère subissent les incidences innombrables des activités humaines. Les scientifiques ne peuvent prévoir les conséquences de la plupart de ces incidences. Celles-ci altèrent lentement et progressivement l’environnement et nul ne sait comment les arrèter ou les inverser a posteriori.
4. Aujourd’hui, nous avons déjà atteint les limites des risques écologiques. Les “catastrophes naturelles” sont en augmentation. Des espèces disparaissent à un rythme alarmant, des ressources naturelles se raréfient, des superficies notables de terres agricoles disparaissent à cause de la baisse du niveau des eaux souterraines, de la désertification, de l’érosion des sol et de la construction d’infrastructures et de villes.
5. L’économie actuelle s’oppose au développement durable du fait de la recherche à tout prix du profit à court terme (principe de la rétribution des actionnaires) ainsi que de la diffusion apparemment incontrolable des modes de consommation occidentaux à des pays qui entamment ou poursuivent leur développement. La Chine absorbe actuellement 40 pour cent du ciment et 30 pour cent de l’acier produits dans le monde.
6. Production, consommation, commerce et publicité restent dominés par l’idée qu’une croissance quantitative positive est indispensable à un développement économique salubre. Pourtant, une qualité de vie et une production de richesse durables ne dépendent pas de la croissance matérielle.
1. Pour offrir au monde entier la richesse matérielle qui prédomine
en occident, il faudrait disposer des ressources d’au moins deux planètes
terre.
2. Poursuivre le mode de développement actuel aura probablement pour
conséquences, entre autres:
- de menacer de disparition les services que l’écosphère fournit gratuitement et qui permettent la vie humaine;
- de perturber la fourniture de nourriture à l’ensemble de la population;
- de menacer la fourniture d’eau potable à long terme et en quantité suffisante;
- de susciter des conflits armés souvent déjà amorcés pour l’accès aux matières premières, à l’eau et aux sources d’énergie fossile;
- de provoquer des migrations d’une ampleur considérable partout dans le monde;
- d’entrainer à l’échelle mondiale des modifications climatiques accompagnées de risques incalculables pour l’humanité, notamment celui de la disparition du Gulf Stream;
- d’augmenter les émissions de CO2 qui renforceraient l’acidité des océans avec des effets imprévisibles dans le monde entier.
ACTIONS POSSIBLES
1. Puisqu’il est impossible de produire de la richesse sans les ressources
naturelles et sans les services rendus par l’écosphère,
la première et inévitable mesure à prendre consiste
à réduire l’emprise technique sur l’écosphère
et à dématérialiser (au moins d’un facteur 10)
la production de richesse. Pour ce faire, il existe des techniques qui ne
diminuent en rien la satisfaction de l’utilisateur final.
2. Il faudra prendre dans le monde entier des dispositions radicales pour
dématérialiser la production d’énergie et augmenter
l’efficacité de son utilisation.
3. Il est urgent d’instaurer un contexte économique capable
d’encourager le développement durable:
- les initiatives en faveur de la durabilité doivent devenir rentables;
- les prix des biens et des services doivent refléter les coùts de l’utilisation de nature et des conséquences de cette utilisation;
- les impots et prélèvements pesant sur le travail et le revenu doivent ètre transférés sur l’utilisation des ressources naturelles.
4. Des innovations massives sont indispensables pour dématérialiser
les biens, les services, les procédés, les systèmes
et modes de gestion, ainsi que pour instaurer de nouvelles techniques de
stockage de l’énergie et pour accroitre sensiblement la part
des énergies renouvelables. En d’autres termes, il faut une
nouvelle révolution industrielle, débouchant sur un nouveau
cycle de Kondratieff.
5. Pour ralentir notablement les changements climatiques et l’acidification
des océans, il est essentiel de diviser au moins par deux la totalité
des émissions de CO2 d’ici le milieu du siècle. Puisque
les pays industrialisés contribuent bien plus qu’ils ne devraient
à ces émissions per capita, ils devront faire des efforts
réels pour réduire d’au moins 80 pour cent dans le mème
délai les émissions qui retentissent sur le climat.
6. L’enseignement est déterminant pour briser le cercle vicieux
de pauvreté et de croissance démographique dans les pays en
développement. Pour que tous les pays parviennent à établir
une économie durable, il est indispensable que l’enseignement
à tous les niveaux souligne l’interdépendance systémique
entre écosphère et économie.
7. Pour renforcer la tendance à augmenter la productivité
des ressources, les achats publics doivent porter en première priorité
sur des biens et des services dématérialisés.
8. Il convient de mettre un terme à la destruction avide des forèts
pluviales tout en procédant à une reforestation à grande
échelle de nombreuses régions, sur le pourtour méditerranéen
par exemple.
9. Il faut adopter des indicateurs pratiques allant réellement dans
le sens de la qualité écologique pour les initiatives économiques,
les biens, les procédés et les services (par exemple: TMF
--Total des Matières en Flux-- et MIPS --quantité de Matière
Indispensable Par unité de Service).
10. L’Europe doit mettre en oeuvre une économie de marché
“éco-social” durable, en prouver la viabilité
et devenir ainsi un modèle d’avenir pour l’humanité.
___
[1] F. Schmidt-Bleek a dégagé ces principales
considérations lors d’entretiens avec les autres auteurs de
la série Wiegandt intitulée "L’avenir de la Terre"
et publiée en décembre 2006 par S. Fischer, Francfort. Voir
notamment "Nutzen wir die Erde?" (De l’usage rationnel de
notre planète), S. Fischer, décembre 2006
[2] Les services offerts par l’environnement
comportent: les ressources matérielles, les variations saisonnières
fiables, l’accès à l’eau potable et à l’air
pur, la diversité des espèces, la fertilité des graines
et des tissus reproducteurs, la disponibilité des terrains fertiles,
la protection contre les radiations intersidérales dangereuses.